mercredi 13 novembre 2013

Carnot (boulevard)

En 1770, sous Turgot (1761-1774), les fossés des remparts du début du XIIIe siècle sont comblés et plantés d’arbres, pour devenir des boulevards, comme le boulevard Carnot, qui s’appelait à l’origine boulevard de la Pyramide. Pourquoi ce nom ? En 1712, l’intendant d’Orsay (1710-1716 et 1724-1730) fait tracer la place de la Terrasse sur les débris de la tour Amblard (élevée en 1143 et détruite en partie au début du XVIIIe siècle), le long du futur boulevard, à l’emplacement de l’actuel hôtel Royal Limousin. En témoignage de reconnaissance, la Ville fait ériger sur la place, en 1718, un monument en forme de pyramide où figure une dédicace à l’intendant sur une plaque de bronze. C’est cette pyramide qui donne son nom au boulevard, qui, bien plus tard, sera rebaptisé du nom du président Sadi Carnot. Curieusement, certaines plaques de la rue évoquent non pas le président, mais son grand-père, célèbre également, Lazare Carnot, ingénieur et ministre de la Révolution.

Le mur d’enceinte n’était pas interrompu au niveau de la place Stalingrad, où se dressait la tour Branlant, démolie vers 1775 par l’intendant d’Aine (1774-1783) pour ouvrir sur le boulevard la rue Sainte-Valérie qui était alors une impasse. L’auberge de la Pyramide, construite en 1755 par l’entrepreneur des ouvrages du roi dans les ponts et chaussées, Martial Joulage, était adossée à la tour Branlant. Démolie en même temps que la tour, elle est reconstruite, au niveau du 37 boulevard Carnot, par la veuve et le fils Joulage, Jacques, qui exerce la même profession que son père. Le grand hôtel du Périgord, construit à la place de l’auberge vers 1862, cesse d’exister en 1883 et devient grand hôtel des Postes et Télégraphes. Ce dernier est transformé en 1889 en appartements bourgeois.

A l’arrière, 2 rue Fitz-James, là où se trouvait la pyramide, est construite la taverne du Lion d’Or, en bois et panneau de vitres colorées, en 1870. Démolie vers 1960, elle est remplacée par des immeubles modernes. Cette parcelle appartenait aussi aux Joulage, qui possédaient également des bâtiments dans le quartier détruit du Viraclaud.

Les écuries de l’auberge de Joulage occupaient l’emplacement du 39 boulevard Carnot. Le petit-fils de Martial Joulage, commissionnaire en roulage, utilise les écuries pour son entreprise. Elles sont remplacées après 1850 et jusqu’en 1912 par le bureau de la Poste, prolongée en 1882-1884 sur la rue Fitz-James par le Télégraphe (4 rue Fitz-James). Ce dernier laisse place à l’immeuble actuel en 1913, tandis que la Poste intègre de nouveaux locaux construits en 1909 de l’autre côté de la place de Stalingrad.

Les 43-45-47 boulevard Carnot n’ont pas été démolis avec le reste du quartier du Viraclaud, détruit en 1898 pour construire la préfecture et la Poste. Il resterait des fragments du mur d’enceinte au niveau des cours intérieures, qui sont quant à elles les restes du chemin de ronde. Au 45 boulevard Carnot, remarquer la devanture de l’ancienne librairie, fondée par M. Duverger en 1884. Rachetée par Marcel Laucournet en 1953, reprise par son fils Jean-Claude, elle a fermé ses portes le 31 décembre 2012.

L’ancienne manufacture d’étoffes Thévenin est établie en 1729 en face de l’auberge de la Pyramide, 8 boulevard Carnot, sur un terrain acheté par la Ville pour construire une caserne qui ne verra finalement pas le jour. Elle connaît un rapide essor en fabriquant des siamoises et des étoffes fil et coton sur cent vingt métiers battants. Un incendie détruit une partie des bâtiments de la manufacture en 1762. Ils ne sont pas reconstruits. Considérée comme ruinée en 1768, elle est rachetée vers 1782 par la Ville pour y stocker le mobilier de l’armée.

Louis Naurissart (Limoges, 31 janvier 1743-Cénevières, 25 octobre 1809), directeur de la monnaie de Limoges, député en 1789, maire de Limoges en 1791-1792, propriétaire du moulin du Poudrier, fait bâtir sa demeure à cet emplacement, de 1788 à 1792, par l’entrepreneur Mathurin Brousseau (frère de l’architecte Joseph Brousseau), conseillé par l’ingénieur-architecte Jacquet.

Elle se compose d’un corps de logis principal flanqué de deux ailes de faible avancement. Un perron de neuf marches donne accès à la porte d’entrée. La façade sur jardin possède un avant-corps circulaire en saillie : un salon doté en son point central d’une acoustique exceptionnelle. Il était destinée à Anne de Labiche, l’épouse de Louis Naurissart, musicienne, dont une statue trône encore dans les jardins.

Naurissart, suspecté d’entretenir de bonnes relations avec les royalistes, est contraint de quitter la ville. L’hôtel particulier est confisqué en 1794 et vendu avant de lui être restitué en 1795. Décrit par Balzac dans son roman Le Curé de village (1839), il est acheté en 1849 par la Banque de France pour y établir une succursale. Les changements que comportent sa nouvelle destination sont apportés en 1850, sur les plans de François Regnault, architecte de la Ville (auteur notamment de la halle Dupuytren). Sur la rue, deux pavillons symétriques, destinés, l’un au concierge, l’autre au corps de garde, sont réunis par une grille, au milieu de laquelle s’élève un portail d’un style noble et imposant.

Une plaque apposée sur la maison natale du président Sadi Carnot, 14 bis boulevard Carnot, rappelle son entrée solennelle dans sa ville de naissance à l’occasion de son premier voyage officiel sur le territoire français, le 25 avril 1888. Né en 1837, homme politique de la IIIe République, élu président de la République, Marie-François-Sadi Carnot meurt assassiné par un anarchiste à Lyon en 1894. Il serait en réalité né rue Neuve-Sainte-Valérie, c’est-à-dire, aujourd’hui, rue du Général-Cerez. Sur le même trottoir, au 10 boulevard Carnot, l’architecte D. Vergez est l’auteur d’un immeuble de 1888. Plus loin, au 16, le nom E. Morel est sculpté en grand au-dessus de l’entrée, entre deux vieilles boutiques.

A l’angle de la rue des Vénitiens, 2 boulevard Carnot, l’ancien Comptoir national d’escompte de Paris (l’une des banques à l’origine de BNP Paribas), dû à l’architecte Louis-Charles-Henri Geay (1875-1945), impose sa présence au milieu de constructions plus importantes. L’avant de l’édifice, arrondi, s’ouvre par une porte en plein cintre et se limite à un rez-de-chaussée couvert par un dôme surbaissé. L’arrière à plan carré possède un étage surmonté d’un toit à pentes raides éclairé par trois fenêtres en plein cintre sur trois faces. La fenêtre dans l’axe de l’angle est partiellement occultée par une horloge importante surmontée du blason de Limoges. Au-dessus, au niveau du toit, est sculpté l’écusson de la Ville de Paris, avec sa devise, fluctuat nec mergitur (il est battu par les flots, mais ne sombre pas).


La première pierre de la chambre de commerce, 41 boulevard Carnot, est posée le 25 mars 1905. L’architecte, Charles Planckaert (†1933), est adjoint au maire de Limoges (François Chénieux, puis Emile Dantony), section travaux publics. Le bâtiment se compose de quatre magasins au rez-de-chaussée, de bureaux au premier étage et de logements aux second. Il est réaménagé dans les années 1930 dans le style Art déco, comme en témoignent au rez-de-chaussée les vitraux de Francis Chigot et les ferronneries. Du même architecte, l’immeuble de l’actuelle Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique, 30 boulevard Carnot, à l’angle de l’avenue de la Libération, était à la Belle Epoque occupé par les grands magasins de nouveautés Paris-Limoges. L’artère ne forme pas un ensemble homogène au point de vue architectural, notamment avec les édifices des années 1960, entre le boulevard Carnot et la place de la République.

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